De Draa à la voie lactée
Mohamed Tozy
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Le petit village tirait son nom d’une leçon d’anatomie comme seuls les berbères du piémont savaient le faire. Draa littéralement bras qui vient guider la Tassaout, l’aider à franchir l’Atlas pour s’épanouir au-delà de la route qui mène à Marrakech. Draa c’est aussi métaphoriquement le bras séculier, le bras levé d’un peuple rebelle qui a toujours refusé de courber l’échine devant les puissants. Draaou c’est enfin un sens de l’effort chéri par une population de travailleurs qui a cultivé comme l’orge la capacité de mourir à la tâche pour tailler des terrasses dans les flancs de la montagne, dompter les torrents et veiller les oliviers centenaires. Dans ce piémont béni des dieux, les enfants ont pour terrain de jeu le ciel. C’est là qu’ils s’épanouissent pistant les étoiles comme on piste le gibier, à la recherche de signes qui les aideraient à trouver la voie lactée pour rêver à d’autres horizons. Entre les reliefs austères dominés par le Mgoun qui refuse souvent le drapé blanc pour se contenter d’un rouge couleur de sang et d’argile, et les alpes suisses, il n’y a qu’un pas qu’Abdelmoula a franchi, sauf que ce pas a des dimensions cosmiques
Dans son baluchon, il y a du Draa, une éthique du travail, un regard tendre sur l’humanité et la voie lactée capturée dans les nuits froides et étoilées de l’Atlas. Dans sa boutique à la fois agence et librairie où on ne vend pas de livres, une invitation à la découverte de l’autre avec un respect sans mesure pour soi et pour les autres, les hôtes et leurs invités. Un citoyen basané qui a redéployé ses racines pour dessiner une figure inédite de la double loyauté aux siens, vaudois et amazighs, armés d’un sens de la mesure et de la générosité de ceux qui ont côtoyé la rareté et l’injustice mais qui font preuve de hauteur de vue et d’un sens du partage. C’est sur et dans la voie lactée qu’il est en train, avec d’autres, d’esquisser une nouvelle conception du tourisme où le voyage est une initiation à l’intimité de l’autre, qui refuse le voyeurisme et la folklorisation.

Mohamed Tozy