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La voie lactée par Jacques Poget,
ex-Rédacteur en chef, Le 24 heures
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L'erreur fut, bien sûr, d'entrer à La Voie lactée, attiré par la devanture: un alléchant assortiment de livres. D'y pénétrer à la recherche d'un volume longtemps convoité. (Il s'agissait d'artisanat féminin au Maroc). Les beaux ouvrages présentés en vitrine faisaient partie de la bibliothèque de La Voie lactée, le bouquin désiré n'y figurait pas, mais le maître de céans notait aussitôt le titre et promettait de le rapporter de son tout prochain séjour à Marrakech ou Casa. Spontanément, avant même qu'on ait vraiment bien saisi que, contrairement aux apparences, on se trouvait dans une agence de voyage.
Voyage il eut donc, quelques mois plus tard. Le temps de faire la connaissance d'Abdel Lamhangar, d'affiner un programme personnalisé en fonction de nos intérêts, cernés avec une précision croissante par un Abdel toutes antennes dehors.
Qui finit par proposer, l'air de ne pas y toucher, un bref séjour final "dans un village, dans une famille".
La sienne, bien sûr, où nous fûmes accueillis non pas comme des clients mais en tant qu'amis d'Abdel, le fils, le héros. Avec une délicatesse et une discrétion qui, pour ménager la sensibilité d'Helvètes vite effarouchés, alliaient la réserve britannique et la chaleur marocaine. Inoubliable hospitalité, généreuse sans insistance, prévenante sans lourdeur - bref: amicale.

Point d'orgue d'un périple habilement organisé entre autonomie et cocooning, les amis et correspondants d'Abdel se passant le relais pour qu'à Fez un universitaire propose une visite qui ouvrait le regard sur les coulisses de la ville; par exemple la thématique de l'eau, dont la distribution, de pratique publique, acte de socialisation, est progressivement devenue privée et facteur d'exclusion.
Tandis qu’à Marrakech un autre prof, disert et enjoué, distillait sans en avoir l'air un savoir historique et sociologique qui plaçait les lieux sous un éclairage démystifiant assez éloigné des infos du Guide du Routard... Et ainsi de suite, du campement bédouin aux auberges installées dans des maisons fortifiées, à la décoration et à l'ameublement raffiné - sans oublier la gastronomie.

Le bémol, le moment pénible de ce voyage, car il y en eut un, ne doit rien à Abdel - pas moyen de lui faire un reproche - mais à la rencontre fortuite d'un couple à l'hospitalité si impétueuse que nous fûmes gavés sans pitié ni répit. Mais nous n'eûmes pas le front de reprocher à Abdel de n'avoir pas songé à nous indiquer le comportement diplomatiquement correct pour nous prémunir de cet excès...

Conclusion? Entrez à La Voie lactée si vous cherchez un livre (Abdel nous le procura dans les dix jours). Entrez à La Voie lactée si, au prêt-à-porter du marché de masse, vous préférez un voyage totalement sur mesure, adapté à vos goûts et intérêts avec une remarquable faculté de perception et d'anticipation. Entrez à La Voie lactée si vous tenez à ce que votre budget soit respecté. Mais n'entrez à La Voie lactée que si vous êtes prêt à courir le risque d'en ressortir avec le début d'un lien d'amitié...

Bon anniversaire, Abdel-des-Etoiles.
Jaques Poget,